« L’air que tu respires a un air de cave
Est un air qui a déjà été expiré
Qui a été rejeté par des hyènes
Le fumier de cet air personne ne peut
plus le respirer »

Henri Michaux « Je rame »

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Gaïa est la première phase d’un projet plus global. Il est né d’une résidence au CERN. Durant cette résidence, Yann Marussich a travaillé sur la faisabilité d’une lévitation du corps. Il a travaillé avec des aimants. Et même si théoriquement c’est possible, la réalisation serait très coûteuse et sans garantie des conséquences sur le corps. La recherche fût néanmoins passionnante. En février 2024, alors que sa résidence au CERN touche à sa fin, Yann Marussich se lance dans une nouvelle phase de travail, explorant d’autres voies vers la lévitation. Le chemin s’annonce long, car la lévitation est un sujet complexe. C’est pourquoi nous mettons en place un travail par étapes. Il est intéressant de travailler par étapes artistiques. À chaque phase, poser des jalons, avec l’objectif que chacune d’elles fonctionne à la fois de manière autonome et à la fois reliée aux autres de manière invisible.


Gaïa 1 : Ph- est la première étape.

Cette performance parle de la relation complexe entre le corps de l’homme et le corps de la terre. L’un enfermé dans l’autre et vice versa. Une complexité humaine dans un dispositif minimaliste.

Un homme entier dans un ballon transparent, gonflé à bloc et en forme de mappemonde. Un homme qui respire par un tuba de plongée. Le manque d’air. La suffocation. Sans son tuba, il meurt. Pour respirer, il doit respirer. Il doit rester enfermé. La terre devient une prison. Et les hommes deviennent les gardiens de la prison. Les hommes deviennent les directeurs de la prison. Les hommes deviennent aussi prisonniers d’eux-mêmes. Il faut payer pour respirer sur cette terre. Il faut aller loin pour respirer sainement. Cela coûte cher. Il y a là les prémices des inégalités sociales. Que faire ? accepter la défaite de l’humanité ? laisser place à la barbarie ? comment se battre sans prendre les armes ? Comment se battre avec le couteau à beurre de la poésie ? On peut inventer beaucoup de chose mais l’air sain ne s’invente pas.

Respirer. C’est quoi l’acte de respirer ? respirer c’est la vie. Il n’y a pas de vie sans respiration et nous avons tous tendance à l’oublier. Mais qu’est-ce que nous respirons ? De l’air vicié par l’industrie qui en quelque sorte colonise l’air que l’on respire. Comment on peut se laisser faire ? Nous marchons en chœur vers l’asphyxie. Il faudra pourtant que cela change.

© Théo Dufloo